DAVID REALH
La folie comme travail, comme sport de combat
Madness as a fighting sport
Michaux : « Les difficultés de l’halluciné à suivre ce qui se passe en lui sont terribles. » Connaissance par les gouffres, p223
Anne-Elisabeth Halpern, Henri Michaux - Le laboratoire du poète, p358
« Plus que le trop excellent « savoir-penser » des métaphysiciens, ce sont les démences, les arriérations, les délires, les extases et les agonies, le « ne plus savoir penser », qui
véritablement sont appelés à non découvrir. » (Les grandes épreuves de l’esprit)
Jean-pierre Martin, Henri Michaux, Gallimard 2003, p566
Dubuffet : Les idées sont une salivation de la cervelle complètement vaine, elles sont le matériau de la peinture ; il est indifférent de mettre en œuvre telle ou telle.
Jean-pierre Martin, Henri Michaux, Gallimard 2003, p425
Jouannais 12 Dubuffet, à propos des « héros de l’art brut » : « Ils cachaient leurs ouvrages sous leur matelas ou les enfermaient dans des boîtes. Ils étaient parvenus à attribuer pleine
existence à ce qu’ils voyaient eux-mêmes sans avoir plus le moindre souci d’êtres seuls à le voir. »
Jouannais-9 « Ludwig et Paul Wittgenstein, le célèbre philosophe d’importance historique, et le fou non moins célèbre, étaient tous deux des êtres tout à fait extraordinaires. L’un a publié
son cerveau, l’autre pas. J’oserai même dire que l’un a publié son cerveau et que l’autre a mis son cerveau en pratique. » Thomas Bernhard
Balso-50 Penser est pour Caeiro le contraire de voir. Il affirme que penser l'incommode, que penser équivaut à être « malade des yeux ». Car penser est ce qui empêche tout accès à l'être.
Balso-50 « Penser » livre le monde à une investigation transcendantale dont les termes ultimes sont Dieu, la création ou l'âme. « Penser » équivaut dans ces conditions à « ne pas comprendre
», à se montrer incapable de saisir le monde comme pure existence.
Arnaud-146 Victime d'une forme de dépression chronique, Pessoa finit par envisager de se faire interner : sa peur de la folie, à l'entendre « déjà folie », s'avérait presque plus invivable
que l'issue tant redoutée. Jouissant d'un statut, un interné est tout de même quelqu'un : dans l'asile sans murs ni barreaux où se débat Pessoa, personne n'occupe de place réelle.
Thirlwell-123 Le moi fou et le moi sain d'esprit sont presque indiscernables l'un de l'autre. C'est ce que Sterne, avec malice, met en évidence. Le mécanisme de son roman est si séduisant, si
agréablement comique, qu'on en oublie facilement que tous les personnages sont fous. Ce qui revient à dire qu'ils sont normaux.
Clément-360 Chez Anton Ehrenzweig, L'Ordre caché de l'art, le processus créateur est décrit comme une psychose passagère, obligatoire. Que l'artiste soit « fou » n'est donc pas un hasard :
c'est une nécessité. Le plus souvent, il ne restera pas dans l'état de folie ; il ne fera qu'y passer ; parfois il s'attarde. Mais sa norme d'artiste exige toujours qu'il traverse une syncope
essentielle, un véritable affaissement de l'esprit, d'où sortira le neuf. Mieux : de ce chaos seul le nouveau peut émerger. Cette éclipse qui fracture la conscience est la condition même de
l'acte créateur.
Sauvanet-55 L'insu, serait-ce l'insouciance de l'enfance ? Chez Nietzsche, l'enfant est la figure de l'affirmation du réel.
L'insu, sans être l'insouciance, prend sa source en elle, mais sous une autre forme. L'insu c'est le sérieux, au sens où l'enfant, quand il joue, est tout entier à son jeu.
Miranda81 « Nous rangeons. Ça s'effondre. Nous rerangeons et c'est nous qui nous effondrons. » Rilke
Bruchez-259 « Qui cache son fou meurt sans voix. » Michaux
Si grande soit-elle, une philosophie, plus elle est proche de la vie, plus son ridicule – par une sorte de feinte, de cabriole démoniaque, - s’affirme considérable : on met alors droit dans
le mille et il a nom « bêtise». C’est avec effroi qu’on s’aperçoit que plus c’est sérieux, moins c’est sérieux !
Witold Gombrowicz, Journal, p. 329 et 330.
Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, José Corti 2005, p34